Soutenance Thèse E. Corbin

Résumé de la thèse :
La crise climatique actuelle engendre des bouleversements environnementaux, sociaux et politiques majeurs. Malgré des politiques publiques mises en place pour tenter d’enrayer cette crise, il reste difficile de la part des institutions d’entamer un réel processus de transformation sociale et politique. En réponse, une partie de la jeunesse se mobilise pour dénoncer cette inaction (O’Brien et al., 2018) et revendique une transition vers une société plus juste écologiquement et socialement (Sauvé & van Steenberghe, 2015). De nombreux collectifs militant pour le climat voient alors le jour à échelle internationale et plus particulièrement en France sur des luttes locales.

Cette thèse en psychologie du développement explore les enjeux psychosociaux liés à l’engagement politico-climatique durant la transition développementale (Zittoun, 2012a) de l’adolescence et d’entrée dans l’âge adulte. S’appuyant sur le modèle de l’interstructuration du sujet et des institutions (Baubion-Broye et al., 1987) et de la socialisation plurielle active, conflictuelle et prospective (Malrieu, 2003), elle analyse le vécu des jeunes de ce contexte de crise généralisée, le sens de leurs expériences d’engagement politico-climatique et les principales fonctions psychosociales de cet engagement.

La revue de la littérature a permis d’explorer à la fois les enjeux socio-politiques et psychiques de la crise climatique, et les différents enjeux développementaux qui caractérisent les périodes de l’adolescence et d’entrée dans l’âge adulte, tout en les mettant en perspective avec le contexte de crise climatique. L’approche développementale que nous mobilisons a notamment permis d’appréhender les enjeux de socialisation et les processus de transformation sociale et personnelle mis en oeuvre par les jeunes engagés au plan politique et climatique. L’état de l’art nous a ainsi permis de définir le concept protéiforme d’engagement et d’identifier les spécificités du militantisme contemporain. Nous nous sommes plus particulièrement centrés sur différents enjeux psychologiques que sous-tend l’engagement en prenant appui sur divers travaux interdisciplinaires. Nous avons alors proposé une problématisation et une opérationnalisation de la question de l’engagement politico-climatique et de son rôle dans le développement de cette jeunesse engagée.

Des entretiens semi-directifs ont été menés avec 20 jeunes (10 femmes, 10 hommes) âgé·es entre 15 et 25 ans (M = 19,7 ans, ET = 3.1), engagé·es au sein de cinq collectifs militants pour le climat (Youth For Climate, Extinction Rébellion, Fresque du Climat, Alternatiba, Dernière Rénovation). Menés à travers une approche biographique et compréhensive, ces entretiens nous ont permis d’explorer leurs perceptions et vécus de la crise climatique ainsi que le sens de leurs expériences d’engagement, mais également de recentrer nos analyses sur les fonctions psychologiques de cet engagement et la manière dont il contribue à la socialisation et au développement de la personne. Les discours ont fait l’objet de différentes analyses : lexicométrique (Iramuteq), de contenu thématique (NVivo) et d’études de cas.

Les résultats présentent les perceptions que les sujets se font de la crise climatique et de l’engagement politico-climatique et révèlent que l’articulation entre crise climatique et transition développementale génère des vécus contrastés, tantôt sources d’entraves, tantôt de potentialités. Les jeunes déploient un ensemble de pratiques militantes qui s’incarnent dans des parcours d’engagement singuliers au sein de collectifs. Ces derniers sont pour les sujets de réelles expériences sociales et psychiques et remplissent quatre fonctions psychosociales clés : intersubjective (construction de liens), affective (régulation des émotions), symbolique (compréhension et ouverture vers le monde) et autobiographique (narration de soi). Ensemble, elles soutiennent un processus de personnalisation et participent activement au développement du sujet.

Cette recherche éclaire ainsi le rôle structurant de l’engagement politico-climatique dans le développement des jeunes pris au sein d’un contexte de crise climatique et de transition. Elle propose une analyse intégrative des dynamiques psychosociales et des transformations (sociales, politiques, personnelles) qui agissent réciproquement entre sujet et institutions. Enfin, cette thèse de Doctorat a permis d’ouvrir et de mettre en lumière une réflexion sur l’accompagnement des problématiques psychosociales que vivent les jeunes aujourd’hui, notamment lorsqu’ils sont amenés à se positionner via leurs engagements dans ce contexte de crise généralisée.

Composition du Jury :
Mme. Véronique ROUYER, Rapporteure, Université Bordeaux
Mme. Stéphanie DEMERS, Rapporteure, Université Du Québec en Outaouais
M. Christophe DEMARQUE, Examinateur, Université Aix-Marseille
Mme. Ania BEAUMATIN, Directrice de thèse, Université Toulouse II Jean-Jaurès
M. Yoan MIEYAA, Co-directeur de thèse, Université Toulouse II Jean-Jaurès