2. Inclusion, expériences subjectives et conditions de socialisation des enfants et adolescents "institutionnellement reconnus à Besoins Educatifs Particuliers"

Responsabilité scientifique : Amélie Courtinat-Camps

Publié le 5 février 2013 Mis à jour le 10 novembre 2025

Objectifs et contexte scientifique

Les travaux menés explorent les expériences subjectives et les dynamiques de socialisation d’enfants, d’adolescents et de jeunes adultes reconnus à besoins éducatifs particuliers (HPI, TDAH, handicaps psychiques ou intellectuels). Ils s’inscrivent dans une approche interdisciplinaire (psychologie du développement, sciences de l’éducation) et inclusive, articulant la subjectivité des acteurs et les logiques systémiques. L’objectif est de prendre en compte les dimensions souvent invisibles des processus d’inclusion, en s’appuyant sur des méthodes participatives (p. ex. Photovoice) et une posture inductive. En se recentrant sur la perspective des enfants, adolescents et jeunes adultes «inclus», plutôt que sur les dispositifs eux-mêmes, ces travaux cherchent à mettre en évidence les tensions identitaires vécues par les élèves, saisies comme un jeu complexe entre sentiment d’appartenance, assignation sociale et risque d’exclusion. Cette démarche permet de dépasser une lecture déficitariste du handicap et d’interroger l’écart à la norme comme source de créativité et d’innovation. Au plan national, ces recherches comblent un manque concernant les expériences subjectives et les conditions de socialisation des élèves à BEP, en écho aux débats actuels sur la mise en œuvre de l’éducation inclusive. À l’international, elles s’articulent aux travaux portant sur les droits des élèves en situation de handicap et sur l’analyse des pratiques inclusives dans différents contextes.
 

Réalisations et résultats

La recherche collaborative « Étude qualitative de l’expérience de l’inclusion scolaire. Points de vue croisés d’élèves et d’enseignants » (financement SFR-AEF - Recherches collaboratives) s’est attachée à identifier les obstacles et leviers institutionnels influençant l’accessibilité des savoirs et la participation sociale (Chevallier- Rodrigues, Savournin, Courtinat-Camps, Brossais et de Léonardis, 2021). En parallèle, elle a exploré les effets de pratiques collaboratives entre élèves en situation de handicap (ESH), élèves tout-venant et professionnels scolaires sur les représentations et les pratiques inclusives (Savournin, Brossais, Chevallier-Rodrigues, Courtinat- Camps & de Léonardis, 2019 ; Savournin, Brossais, de Léonardis, Chevallier-Rodrigues & Courtinat-Camps, 2020).
 

L’étude TrajUlis (2021-2024) (voir ci-dessous) a prolongé ces réflexions en examinant les trajectoires scolaires des élèves soutenus par un dispositif ULIS (Ulis-collège et Ulis-lycée professionnel), en particulier lors du tournant critique de la fin de l’enseignement obligatoire (Courtinat-Camps & Brossais, 2024). 
 

Plusieurs publications ont été réalisées pour rendre compte des résultats relatifs à l’inclusion scolaire des élèves dits « doués » (ex. : Buard, Puustinen & Courtinat-Camps, 2024 ; Buard, Puustinen & Courtinat- Camps, 2021a et 2021b). Par ailleurs, deux ouvrages de référence ont été publiés au Canada, dont un a été co-dirigé par. A. Courtinat-Camps (Massé, L., Verret, C., & Courtinat-Camps, 2024).
 

C’est dans cet axe que s’inscrivent les thèses de doctorat suivantes :
Celle de Mélanie Sulmona-Cossu (en cours) qui vise à analyser le sens de l’expérience scolaire et les conditions de socialisation des élèves de primaire identifiés TDAH (direction de thèse Amélie Courtinat-Camps)
Celle de Marie-Amélie Martin (soutenue en 2024) qui s’intéressait aux fonctions des expériences fraternelles dans la socialisation des adolescents identifiés à haut potentiel intellectuel (financement CDU) (co-direction Amélie Courtinat-Camps et Myriam de Léonardis)
Celle de Valérie Laloum (soutenue en 2017) qui s’est intéressée à l’orientation des élèves en Ulis école et au processus de médicalisation des difficultés d’apprentissage (direction de thèse : Myriam de Léonardis)
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Celle d’Émilie Chevallier-Rodrigues (soutenue en 2016) qui visait à analyser les effets du contexte de scolarisation (CLIS, ULIS, IME) sur la construction identitaire d’enfants en situation de déficience intellectuelle (financement CDU) (co-direction de thèse : Amélie Courtinat-Camps et Myriam de Léonardis)
 

Apports et contributions

Ces travaux contribuent ainsi à une compréhension approfondie des conditions de socialisation et des expériences d’inclusion des élèves ""institutionnellement reconnus à Besoins Éducatifs Particuliers"", en articulant reconnaissance institutionnelle, expériences subjectives, dynamiques relationnelles et transformations des pratiques. Ils répondent à des enjeux multiples :
  • scientifiques, en renouvelant les approches scientifiques s’intéressant à la socialisation et aux expériences subjectives et inclusives de publics souvent invisibilisés,
  • méthodologiques, en valorisant des outils participatifs pour recueillir la parole de jeunes, en situation de vulnérabilité, avec des implications pour la recherche-intervention,
  • culturels, en interrogeant les normes et valeurs qui façonnent les politiques éducatives et les rapports sociaux autour du HPI (en France, au Canada).
  • sociétaux, en éclairant le rôle des dispositifs inclusifs sur les trajectoires scolaires et sociales des élèves. Elles contribuent ainsi à nourrir la réflexion autour des politiques publiques en matière d’inclusion éthique, en promouvant la citoyenneté et l’autonomie des jeunes institutionnellement reconnus en situation de handicap en garantissant leurs droits à une pleine participation sociale.

DERNIERES RECHERCHES REALISEES 

 

Deux recherches financées ont permis d'articuler les thématiques 1 et 2 développées dans l'équipe :
 

  • Sécuriser les transitions professionnelles en milieu ordinaire d'élèves de lycées professionnels en situation de handicap intellectuel et psychique en France. Les Ulis pro au cœur des dispositifs et des pratiques d'accompagnement (resp. : V. Capdevielle et F. Savournin) 

https://www.firah.org/fr/securiser-l-acces-au-premier-emploi.html
 

  • L'orientation scolaire des élèves soutenus par le dispositif Ulis en fin de 3ème : continuités des pratiques et des représentations, discontinuités des parcours ?  (TrajUlis) (2021-2024)
RESUME DE TrajUlis
Durée : 36 mois
Financement :  Institut de Recherche en Santé Publique (IRESP) ; Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA) ; Appel à projets 2020 « Autonomie : personnes âgées et personnes en situation de handicap ».
Responsable scientifique du projet : Hélène Buisson-Fenet, CNRS, Triangle - UMR 5206
Coordination scientifique pour le LPS-DT Amélie Courtinat-Camps
Autres partenaires : 
- Florence Savournin, coordonnatrice participante, EFTS - UMR MA 122 (Lyon)
- Marie Toullec, coordonnatrice participante, CREN - EA 2661 (Nantes)

CONTEXTE

La scolarisation des élèves en situation de handicap à l’école ordinaire s’impose depuis les années 2000 sur l’agenda politique de la plupart des pays occidentaux. En France, les travaux de la Direction de l'évaluation, du pilotage et de la prospective (DEPP) montrent qu’elle est quantitativement allée bon train, en particulier grâce à l’expansion des unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis) qui concernent, depuis 2015, l’ensemble du cursus jusqu’à la fin de l'enseignement obligatoire. Cependant, les chiffres recouvrent des réalités qualitatives variées et nous disposons d’un corpus de don- nées encore très parcellaires sur les élèves scolarisés avec l'appui du dispositif Ulis. À l’échelle nationale, les performances scolaires de ces élèves commencent à faire l’objet d’une investigation plus pré- cise (DEPP, 2019) ; les données françaises de l’enquête internationale Health Behaviour in School- aged Children (HBSC) permettent également de nourrir les analyses sur le sentiment de bien-être au collège de ces élèves, et de développer la thématique de la qualité de vie à l’école (CNESCO, 2017). En revanche, à notre connaissance, aucune analyse d’ensemble sur les inégalités de trajectoires de ces élèves scolarisés avec l’appui d’un dispositif Ulis n’a encore été proposée.

OBJECTIFS

Quelques travaux récents ayant été initiés en ce sens sur les discontinuités de parcours (Bourdon, 2019, 2020), nous souhaitons creuser ce sillon en ciblant notre enquête sur le turning point que constitue, pour les élèves scolarisés en Ulis, la fin de l’enseignement obligatoire et ses suites immédiates.

Le projet TrajUlis vise ainsi à :

  1. Décrire la diversité des parcours des élèves scolarisés en Ulis-collège et Ulis-lycée professionnel, notamment lors de la transition post-3ᵉ.
  2. Analyser les représentations et pratiques d’orientation des jeunes et des professionnels : sources d’information, significations de l’inclusion, arbitrages et dilemmes.
  3. Comparer les régulations locales de l’inclusion et de l’orientation entre trois académies contrastées.

MÉTHODOLOGIE

TrajUlis s’appuie sur une méthodologie mixte, combinant :

  • Analyse de données académiques sur l’orientation des élèves Ulis à la fin du collège.
  • Suivi longitudinal de cohortes d’élèves (entretiens sur deux ans).
  • Focus-groupes pluri-professionnels et entretiens auprès des coordonnateurs Ulis dans 12 établissements.

PRINCIPAUX RÉSULTATS (synthèse)

  • Les profils d’élèves reflètent les tendances nationales : majorité de garçons, vulnérabilités sociales et familiales, orientation vers des filières professionnelles peu valorisées.
  • Cinq profils d’orientation se distinguent, des élèves « pragmatiques » aux « déconnectés ». La transition post-collège constitue une épreuve biographique, marquée par le stigmate et des réajustements identitaires successifs.
  • Les professionnels conçoivent l’Ulis comme un moyen d’« apprentissage de la conformité » ; l’accompagnement à l’orientation s’appuie sur un « principe de réalité ». Les coordonnateurs Ulis jouent un rôle central mais contraint par des injonctions paradoxales et des ressources limitées. Trois visions de l’orientation coexistent : humaniste, pragmatique et déficitariste.
  • Les disparités territoriales sont fortes : en zones rurales et REP+, l’offre de formation restreinte renforce le cumul des handicaps social et scolaire. La relation entre chef d’établissement et coordonnateur influence la qualité du travail collectif et le caractère plus ou moins « capacitants » des environnements éducatifs.
  • Les stages apparaissent comme un levier central d’appropriation du projet professionnel et de valorisation des compétences psychosociales.

APPORTS OU IMPACTS POTENTIELS

L’étude souligne le manque de travaux sur l’orientation des élèves en situation de handicap et met en lumière :

  • La nécessité de renforcer la reconnaissance professionnelle et les marges de manœuvre des coordonnateurs Ulis.
  • L’importance d’un soutien institutionnel explicite aux politiques inclusives dans les projets d’établissement.
  • Le besoin d’une vigilance accrue sur la transition collège-lycée, moment de forte vulnérabilité pour ces élèves.

ÉTUDES ANTÉRIEURES

« Etude qualitative de l’expérience de l’inclusion scolaire. Points de vue croisés d’élèves et d’enseignants » (2018-2020).
Cette recherche pluridisciplinaire associait des chercheurs en psychologie du développement et en sciences de l’éducation. Elle s’inscrit dans une visée compréhensive des problématiques liées à l’inclusion scolaire mais aussi transformative des pratiques à partir de l’identification d’obstacles et de leviers relatifs à la participation à la vie sociale et à l’accessibilité des savoirs pour des collégiens en situation de handicap.
Durée : 24 mois
Financement :  financement SFR – Recherches collaboratives
Partenaire : EFTS (UMR MA 122, UT2J).
 

« Vie sociale et handicap rare : entre restrictions et environnements « capacitants » : Etude comparative auprès de personnes en situation de handicap rare / non rare et de leurs familles » (resp. : M. de Léonardis) (2014-2017)

Ce projet visait à analyser les spécificités de participation à la vie sociale d’enfants, d’adolescents et de jeunes adultes en situation de handicap rare. Plus précisément, il s’agissait d’identifier les restrictions perçues de leur participation mais aussi les leviers favorisant le développement de conditions de vie les plus favorables à ces personnes et à leurs proches. Une des originalités a consisté à s’intéresser aux points de vue croisés d’enfants en situation de handicap et de leurs parents. Elle proposait une démarche comparative (handicap rare versus handicap non rare) afin de mettre en exergue les spécificités liées au handicap rare.
Durée : 36 mois
Financement :  GIS- IREsP / INSERM.
Partenaires : GRHAPES (INSHEA – EA 7287)
 

« Les enfants à BEP de 0 à 2 ans : analyses secondaires de données longitudinales (issues de ELFE et de Génération 2011) (resp. : A. Courtinat-Camps) (2015-2017)

L’objectif principal de ce projet d’analyses de données secondaires était de vérifier si les indicateurs présents dans la cohorte ELFE[1] (https://elfe.site.ined.fr) permettaient d’accéder aux spécificités des situations des familles dont un enfant est en situation de handicap. La méthodologie de cette recherche a pris appui sur l’utilisation de données secondaires dans une approche mixte combinant à la fois un volet quantitatif à partir des données Elfe et un volet qualitatif à partir des données de l’enquête sociologique Génération 2011. En plus de fournir un cadre de validation externe à la création d’indicateurs quantitatifs d’opérationnalisation des besoins éducatifs particuliers et/ou de la situation de handicap à partir d’items présents et sélectionnés dans Elfe (investigués à la naissance, à 2 mois et à 1 an), le volet qualitatif a permis d’appréhender la question des aménagements mis en place par les familles de la naissance aux 2 ans de l’enfant. Des items concernant les enfants institutionnellement déclarés à besoins éducatifs particuliers, dans une perspective plus large que l’approche épidémiologique du handicap et de la santé jusqu’alors privilégiée, ont ainsi pu être intégrés dans les protocoles de recueil de données organisés aux vagues suivantes.
Durée : 24 mois
Financement :  GIS- IREsP / INSERM.
Partenaire : GRHAPES (EA 7287 – INSHEA), CURAPP-ESS (UMR CNRS 7319).


[1] ELFE est la première étude longitudinale française consacrée au suivi des enfants, de la naissance à l’âge adulte, qui aborde les multiples aspects de la vie de l’enfant sous l’angle des sciences sociales, de la santé et de la santé-environnement. Lancée auprès de 500 familles pilotes en 2007, elle est généralisée en France métropolitaine depuis avril 2011 et concerne plus de 18 300 enfants. La gestion est assurée par une équipe mixte de suivi menée par l’INED, l’INSERM et l’EFS.