Construction et déconstruction de la santé et des environnements de travail

Publié le 12 novembre 2024 Mis à jour le 16 juin 2025

Les recherches menées dans cette thématique visent à approfondir la compréhension des problématiques de santé psychique au travail, en prolongeant les travaux de l’axe. Une attention particulière a été portée à deux contextes particuliers : d’une part, les situations présentant un risque de désinsertion professionnelle pour les individus, d’autre part, les rapports entre les transformations des modalités d’organisation du travail et la santé psychique. Ces contextes sont abordés à travers l’analyse du risque d’altération de la santé psychique et des expériences de désocialisation professionnelle. Dans toutes les situations étudiées une ligne directrice d’analyse se dégage permettant de mettre en évidence la mobilisation de processus de (re)socialisation professionnelle et organisationnelle, dans laquelle le collectif et le sens du travail jouent un rôle central. Les travaux réalisés dans cette thématique soutiennent ainsi une conception processuelle de la santé psychique, étroitement articulée à la question du sens du travail. Cette conception a été formalisée dans l’ouvrage « La santé psychique au travail » (Faurie & Almudever, 2020), qui met en exergue le socle théorique des chercheurs du laboratoire pour examiner ces questions.

Parmi les études réalisées sur le vécu des personnes en situation de désinsertion professionnelle, ainsi que sur le rôle des structures et dispositifs d’accompagnement dans la prévention de ces situations, une recherche-intervention menée auprès de salariés d’une grande collectivité territoriale, placés en situation d’inaptitude, a montré que le collectif de travail joue un rôle essentiel dans la redéfinition du sens de la situation vécue. Un article (le Blanc et al., 2023) et deux communications dans un congrès international (Faurie et al., 2023 ; Rossi et al., 2023) ont valorisé ce travail. Une seconde étude, consacrée au retour au travail après un burn-out, a porté sur le rôle du sentiment d’efficacité personnelle dans ce processus (Leblond, Faurie & Corbière, 2024). Cette recherche, menée via des focus groups, a mis en évidence l’importance des accompagnants institutionnels (ex. CORAT, encadrants, managers) dans la réussite du retour au travail. Une dernière étude portant sur l’expérience subjective du chômage (cf. rapport Duarte, Le Lay & Lemozy, 2024), a permis de comprendre les incidences psychiques délétères sur les demandeurs d’emploi des logiques d’activation, qui structurent l’organisation du travail de France Travail. Au-delà des résultats et des méthodologies déployées, ces travaux soulignent le potentiel du collectif comme levier de reconstruction identitaire et de santé psychique dans les situations de transition. Ces études permettent, en ce sens, de prendre de la distance par rapport aux approches personnologistes ou psychologisantes centrées sur l’individu, en réaffirmant l’importance de l’organisation du travail et du collectif de travail dans la prévention de la désinsertion et dans le maintien de la santé psychique (Duarte & Dejours, 2020). Cette perspective a notamment été illustrée par les résultats d’une étude menée auprès de managers et présentée lors du premier congrès de la communauté de pratiques - Santé mentale et travail – Octobre 2024, Montréal, Croity-Belz & Faurie, 2024). 

En ce qui concerne les études réalisées sur les effets des transformations organisationnelles – notamment des conditions de travail et de communication – sur la santé des salarié·es, un premier phénomène a été analysé, soit les incivilités numériques et leurs impacts sur la santé psychique (Lagabrielle et al., 2021). Les travaux réalisés sur cette question ont permis de mettre en lumière le rôle de l’organisation du travail dans la genèse ou la régulation de ces incivilités. Un second volet a porté sur les nouvelles formes d’organisation du travail, telles que le télétravail ou les espaces partagés (open space). Les résultats soulignent que le vécu de ces formes dépend fortement de la nature des activités exercées et de la manière dont l’organisation soutient ou entrave leur déploiement (Lagabrielle et al., 2021 ; Delicourt, 2021). Un troisième volet s’est, enfin, structuré autour des rapports entre les transformations dites « néolibérales » de l’organisation du travail et la santé au travail (Duarte & Rossi, 2022 ; Duarte & Dejours, 2019, Duarte, 2022).